LE “VRAI” MASSAGE CALIFORNIEN
Je me souviens parfaitement de la première fois où on m’a parlé du Massage Californien.
C’était en essayant de soulager les maux de tête dont souffrait Michèle, sage-femme, qui rentrait d’une randonnée organisée par le centre de vacances où je travaillais alors comme animateur.
Nous sommes en 1977.
Sa réflexion fut la suivante : “Avec les mains et le toucher que tu as, tu devrais faire cette formation en Massage Californien que j’ai faite l’année dernière. Je suis sûre que ça te plairait au plus haut point et que tu serais excellent. C’est une californienne qui vient tous les ans à Paris, et la durée de la formation varie selon le niveau, moi j’ai fait deux jours. Elle s’appelle Margaret Elke.”
Ayant une excellente mémoire, je n’ai pas eu besoin de noter, et j’ai juste mis ça dans un coin de ma tête.
Mon problème, que je ne lui ai pas énoncé, mais que comprendront ceux qui ont lu mon livre “30 000 kilomètres sur les mains et le corps des autres”, était que pour elle, qui était sage-femme, c’était facile, mais sûrement pas pour moi qui n’étais pas dans le domaine médical.
Ce n’est donc pas le manque d’envie qui m’empêcha de donner suite à cette information, mais plutôt un excès d’humilité, presque maladif à l’époque.
C’est quelques mois plus tard, en lisant la revue “Médecines Douces” que j’achetais régulièrement, que j’eus la confirmation que le Massage Californien existait bien. C’était un petit encart d’une dizaine de lignes, qui vantait les effets de ce massage que chacun pouvait apprendre lors de stages organisés par un kiné et sa femme, dans la région de Toulouse. Et là, je fais ce que je n’ai jamais fait de ma vie : Je découpe cette annonce que je mets dans mon portefeuille, bien à l’abri.
Ce n’est que quelques mois plus tard, alors que j’étais chez une amie partie en voyage et dont je soignais les plantes, que j’eus l’idée qui allait changer le cours de ma vie.
Il faut savoir qu’à l’époque (il y a donc presque 45 ans) le téléphone coûtait très cher. Appeler Paris ou Toulouse depuis Lyon coûtait 300 Francs pour une heure, soit environ 50€, ce qui, ramené au coût de la vie aujourd’hui, serait autour de 150€ juste pour une heure de téléphone. Et autant dire qu’il fallait être relativement rapide où avoir des informations importantes à connaitre pour en user. Bref, une fortune pour moi, et mon amie étant relativement aisée, il me vint à l’idée de ressortir la petite annonce publicitaire et de téléphoner. Allez savoir pourquoi…
– Bonjour, j’ai vu votre annonce dans “Médecines Douces” concernant le Massage Californien, et j’aurais voulu savoir en quoi cela consiste.
– Oui, ce massage a été créé par une californienne, Margaret Elke, et en effet, j’organise des stages. Le prochain à Lyon est à l’Hotel X, ça dure deux jours et le prix est de 400 Francs.
– Est-ce qu’il y a des conditions particulières pour y participer? Je suis naturopathe…(toujours peur de ne pas être à la hauteur)
– Non, non, absolument pas. Il y aura une majorité d’esthéticiennes, mais vous pouvez venir sans problème. Mais si vous voulez en savoir plus, je vous conseille d’aller d’abord vous faire masser pour découvrir ce massage. J’ai une très bonne élève, esthéticienne, dans la banlieue de Lyon, qui pourra vous recevoir. Il s’agit de Michèle P. voilà son téléphone, appelez la de ma part.
– OK, merci, je prends rendez-vous tout de suite et je vous rappelle.
– A bientôt, bonne journée!
– Allo, Michèle P. ? Je vous appelle de la part de Jean François V. concernant le Massage Californien que j’aimerais apprendre. Il m’a dit que vous pourriez me masser pour me le faire découvrir.
– Avec plaisir, dites moi ce qui vous arrange.
– Lundi, 10H ?
– Parfait, je suis à Corbas à telle adresse…
– Bonjour Guy
– Bonjour Michèle, je suis naturopathe et j’ai entendu parler de ce massage, et je voudrais en savoir un peu plus.
– C’est facile, je vous laisse vous installer et je suis à vous dans deux minutes. Le Massage Californien se pratique en général sur le corps nu, mais vous pouvez garder votre slip si vous voulez. Par contre, j’emploie de l’huile, donc…
Aussi bizarre que cela paraisse, ce n’est pas la nudité qui me gêne, car je pratique le naturisme depuis déjà longtemps. Par contre, à l’idée de me faire masser le corps en entier avec de l’huile, j’ai une vraie appréhension.
Je me déshabille donc complètement, et je m’allonge sur le ventre, comme convenu.
Michèle revient et met de la musique, petits oiseaux et bruits de nature, sûrement joués sur un synthé… C’est la musique à la mode de l’époque.
Il m’est difficile, puisque je n’en ai pas l’habitude, de savoir ce qu’elle fait vraiment. Par contre, c’est vrai que la sensation est toute nouvelle pour moi, car je n’ai jamais ressenti l’intégralité de ma peau sur la face postérieure, et là, elle n’oublie rien.
Je trouve le massage des fesses très agréable, d’autant plus que la veille j’ai fait une longue série de mouvements de gym pour les jambes, et notamment des fentes qui sollicitent beaucoup les muscles fessiers.
Elle termine la face postérieure en m’essuyant brièvement. Je me sens un petit peu poisseux, mais ça va, puis je me retourne pour la face antérieure.
Jambes, pieds, bras, mains, torse, nuque et visage… Elle passe partout, hormis le sexe bien-entendu, et cette sensation est très nouvelle pour moi. J’ai déjà eu, de fait, des contacts physiques et sexuels, ainsi que de nombreux contacts avec des thérapeutes en tous genres suite à des chutes ou accidents ( là aussi, voir mon livre “30 000 kilomètres sur les mains”) mais rien de ce que j’ai vécu jusqu’à présent ne m’a mis dans cet état. Je n’emploierai pas de mots ou de qualificatifs excessifs, qui n’auraient aucun intérêt, d’autant que c’est en fait beaucoup plus simple.
J’ai juste l’impression que c’est la première fois que je sais enfin où j’habite. Je viens de ressentir tout mon corps, en très peu de temps (à peine une heure) ce qui ne m’est jamais arrivé, quelles que soient mes expériences tactiles. Son toucher m’a semblé de bonne qualité et bienveillant, et ça aussi, c’est nouveau pour moi.
– Alors, comment tu as trouvé? On peut se tutoyer si tu veux, c’est plus simple peut-être.
– Oui, oui, bien sûr… J’ai trouvé ça juste génial et j’ai vraiment envie d’apprendre, d’autant plus que je ne savais pas que c’était possible.
– C’est très facile. Et si tu veux, Jean François vient bientôt à Lyon, alors c’est l’occasion. Il y a deux week-ends de formation. A la fin du premier, tu peux commencer à masser et prendre 200F par séance et à la fin du deuxième, 250F. Je passerai sûrement pendant le premier week-end et on se verra là-bas.
– D’accord, à bientôt alors.
Je remonte dans ma voiture pour rentrer chez moi, et là il se passe un moment indéfinissable. En fait, je ne pense pas que ce soit les effets du massage, bien que je ne cherche pas à les minimiser, mais je sais qu’il vient de se passer quelque chose de très important pour moi et que ma vie va changer.
J’appelle Jean François V., je m’inscris, et arrive ce premier week-end, qui se passe dans un hôtel. Les tables de massage sont des tables de conférence au bout triangulaire, sur lesquelles est juste posé un plaid. C’est que dans une Volvo break il rentre beaucoup de plaids… et 20 par stage c’est pas un problème…
Nous sommes une vingtaine de stagiaires, avec une majorité de femmes esthéticiennes, puisque c’est le créneau de Jean François qui est kiné. Certaines sont nues, d’autres pas.
Je n’ai pas grand chose à dire sur le week-end, mis à part cet incident qui parait incroyable mais qui m’a marqué.
Même si ce n’est pas une obligation, on change de partenaire à chaque partie si on veut, et au moment de faire le visage, une des participante insiste pour travailler avec moi.
Après avoir fait le front, les tempes et les yeux, le plus délicatement possible, arrive un mouvement de pétrissage très doux sur les joues. Et là, brusquement, je sens son visage se tendre, avec quelques petits spasmes, et instantanément, je m’arrête, mais sans la lâcher.
– Ca ne va pas? Qu’est-ce qu’il se passe?
– Si, si, au contraire…continue, continue…
Je reprends encore plus délicatement, et avec mon meilleur toucher possible pour l’époque. Bizarrement, des larmes arrivent, mais en même temps, la détente, perceptible sous mes mains. Je continue, avec des mouvements très simples, elle ne dit rien, moi non plus.
Quand j’ai terminé, je ne peux pas m’empêcher de lui demander comment ça va. Elle ne pleure plus, pousse un grand soupir, ouvre les yeux, avec un grand sourire.
– Oh merci! C’est incroyable! Je viens de prendre conscience de toutes les tensions que j’avais accumulées, et de me souvenir que dans mon enfance, j’ai été souvent giflée. Aussi bizarre que ça paraisse, je ne m’en souvenais plus. Par contre, j’avais beaucoup de tensions et de maux de tête, et là tu viens de tout balayer. Je ne sais comment te remercier, il y a au moins 20 ans que je ne me suis pas sentie dans cet état, et pourtant ce n’est pas faute d’avoir essayé de me détendre avec un tas de techniques différentes.
– Une bise fera l’affaire et j’en suis très heureux pour toi.
Je suis moi-même très marqué par cet effet auquel je ne m’attendais pas du tout, et je me dis que ça ferait sûrement du bien aussi à mon corps déjà meurtri par de nombreux accidents.
Je viens de découvrir les effets du plaisir de toucher et du plaisir d’être touché.
Mais en fait, je n’attribue pas cela au Massage Californien, ou à je ne sais quelle technique miracle, mais juste au plaisir vrai d’un toucher juste.
Je ne mesure pas encore la signification et l’ampleur de ces mots, mais je sais que c’est ce que je veux faire.
– Dis donc, Jean François, au fait, comment as-tu appris? Qui est-ce qui t’a formé?
– Fais d’abord le deuxième week-end, et on verra après.
Je n’apprécie pas du tout cette réponse, je prends le bout de papier qui fait figure de diplôme et je pars en croisant Michèle au passage.
– Alors, c’était bien ? Tu vas venir au deuxième week-end ?
– Je ne sais pas, peut-être, je t’appelle, on en reparlera…
Je rentre rapidement chez moi et j’appelle “l’autre” Michèle.
– Allo, bonjour Michèle
– Bonjour Guy. Comment vas-tu depuis le temps?
– Bien, merci. Je t’appelle pour un renseignement que tu vas peut-être pouvoir me donner.
– Avec plaisir, si je peux.
– Tu m’avais parlé d’un stage de Massage Californien que tu avais fait avec quelqu’un qui avait été formé par Margaret Elke. As-tu encore ses coordonnées?
– Oui, bien sûr, je te les donne tout de suite.
J’appelle sans plus attendre.
– Allo, bonjour, on m’a donné vos coordonnées pour des stages de Massage Californien. Je crois que c’est vous qui accueillez Margaret Elke et qui organisez des formations professionnelles avec elle. Je voudrais m’inscrire si c’est possible.
– C’est ça, et elle doit venir bientôt en France mais vous devez d’abord faire un week-end d’initiation avec nous. Il y en a un le mois prochain, quant à Margaret, elle doit venir pour une formation professionnelle dans trois mois.
Une fois encore, je perçois l’aspect commercial de la réponse, et j’ai vraiment du mal à comprendre pourquoi on doit faire ce stage au préalable, si ce n’est l’intérêt financier. Mais je n’ai pas le choix, car à l’époque on ne trouvait pas de formations sur internet, ni dans tous les villages comme c’est le cas aujourd’hui.
Je m’inscris donc et je me retrouve à ce stage, animé par un couple, dont la femme qui a été formée par Margaret Elke.
C’est assez peu différent de celui que j’ai déjà fait, et je repars un peu sur ma faim. Ce n’est pas très important puisque bientôt arrivera la formation avec Margaret puisque j’ai été “sélectionné” pour avoir le droit d’y participer. Je pouffe en écrivant ce mot, car j’ai bien compris que c’est le chèque que je me suis empressé de faire qui sert de critère de sélection, même s’il est reconnu que je ne masse pas trop mal.
Je ne me souviens pas du prix exact, mais juste de mon ressentit. A mes yeux, et sans doute pour tout le monde, c’était très cher. La durée était de 14 jours, répartis en 3 sessions, et je n’avais plus qu’à attendre le grand jour!
Il arrive! Je prépare quelques affaires et je pars pour 4 jours à Paris. Le cours commence à 9H, c’est au nord de Paris, et je calcule qu’en partant à 3h du matin avec ma 4L, je devrais arriver un peu en avance et être prêt à 9H.
– Bonjour Guy! Contente de te revoir. Le cours se passe en bas, tu sais où, et Margaret y est déjà.
– Tu veux un café?
– Non, merci.
– Tu fais le règlement avant de te rendre à la salle de cours, s’il te plait… (elle n’a pas changée elle…)
Je rejoins les lieux où se trouvent la salle de cours et une petite pièce où je pénètre. Il y a deux personnes, Margaret, et son conjoint de l’époque Mel….
On m’indique qu’il faut se déshabiller complètement et je remarque que Margaret est déjà nue, assise à côté de son conjoint, nu aussi. Je laisse donc mes affaires, et sans aucun problème, j’entre dans la salle de cours.
Lisez bien la suite, et vous allez très vite mieux comprendre.
Juste derrière moi, arrive un couple, mari et femme, à qui on indique aussi qu’ils doivent se déshabiller complètement. Un peu étonnés, ils hésitent, car visiblement ils ne s’attendaient pas à ça. Et là, Margaret a cette réponse claire, nette, précise, qui ne prête pas à discussion :
– Ici, c’est une formation professionnelle où vous allez apprendre à masser. Si vous n’êtes pas à l’aise dans votre corps, je peux le comprendre, mais je ne vois en aucun cas comment vous pourriez justifier de vous occuper du corps des autres.
Donc, si vous ne voulez pas vous déshabiller, je ne vous en veux pas, mais vous sortez. Commencez par faire un travail sur vous-même, avec qui vous voulez, et vous pourrez revenir à la prochaine session.
Ils acceptent finalement les conditions et entrent dans la salle de cours, où nous sommes huit stagiaires, plus Margaret et son conjoint, quand arrive la personne qui nous reçoit et nous présente à Margaret.
Afin que vous puissiez vraiment mesurer ce qu’était le Massage Californien à l’origine, je tiens à vous raconter un épisode de la session suivante, au risque d’en choquer certains, mais c’est juste la vérité.
Un jour de la formation, il se trouve que cette même personne, la femme de ce couple, ne veut pas enlever son slip car elle a ses règles. Il est vrai que certains exercices ou étirements amènent à écarter les jambes, et c’est ainsi qu’elle se justifie.
La réponse de Margaret est instantanée : “Si tu ne veux pas enlever ton slip, tu remontes dans ta chambre”.
Elle verse une larme, ne répond pas et sort, tandis que son mari ne réagit pas.
Avant de continuer, il faut que je vous dise que depuis le début de la formation, une espèce d’alchimie qui ne dit pas son nom, s’est tissée entre Margaret et moi.
Il y a beaucoup d’exercices et de propos concernant l’état psychologique des uns et des autres, et à vrai dire, ça me fatigue un peu, car ce que j’attends avant tout, c’est la pratique du massage.
Là, je suis comme un doux dingue. Je ne m’arrête plus, surtout quand c’est Margaret qui enseigne, car avec son conjoint, ils alternent.
Quand c’est elle qui enseigne, il est allongé sur une table et ronflez. Et moi, j’en profite, et sans arrêt, je l’appelle pour qu’elle me corrige, je la sollicite pour un conseil, pour faire le mieux possible, dans le moindre détail.
Je la regarde masser et tourner autour de la table, nue, à son âge, rempli d’un immense respect. Elle me subjugue, elle qui approche de la soixantaine, alors que j’ai tout juste 25 ans, et je veux la “manger”, absorber son savoir-faire et ses connaissances. Je veux tout apprendre, dans le moindre détail, et ne rien délaisser.
Je pense qu’elle est très étonnée par cette attitude, cette soif d’apprendre, qu’elle n’a pas dû rencontrer souvent.
Notre groupe se compose d’une personne de 60 ans, qui visiblement accompagne une amie esthéticienne de 46 ans, qui veut apprendre une nouvelle technique.
Il y a aussi un homme de 58 ans, poète à ses heures, à mon avis plus content d’être dans un groupe où on peut se toucher que désireux d’apprendre réellement.
Je vous ai parlé du couple, auquel s’ajoutent un garçon plus jeune que moi, et une jeune fille un peu effacée.
Tout ceci explique peut-être que Margaret tient volontiers compte de mes remarques et de mon avis.
– Écoute Margaret, je crois que c’est pas très bien ce que tu viens de faire… et là, ça va être difficile de continuer. Donc, je vais aller la chercher, sinon je vais devoir moi aussi quitter le cours.
Le mari me regarde mais ne bronche pas. Margaret ne dit rien, et dans un silence qui ne dit pas “non”, j’enfile mon pantalon et un tee-shirt et je vais chercher cette personne.
Il est vrai que c’était une autre époque… car après l’avènement de la pilule, c’était celui du “Tampax”, et donc rien ne justifiait de ne pouvoir être nue, du moins, c’est ce qui était vendu.
Même si ces propos en choquent certains, je peux le comprendre et je n’en discuterai pas, mais je tenais à vous relater cet “incident” très significatif, afin que vous sachiez bien comment est arrivé le Massage Californien en France et ce que c’était et ce qui en est fait ou dit aujourd’hui… par ceux qui ne connaissent rien ou presque de l’origine…
Comme on était logés sur place et que nous n’avions rien d’autre à faire, chacun d’entre nous a quand même pu atteindre un certain niveau, bien supérieur à celui d’un enseignement en deux jours, voire deux heures sur internet comme il se pratique aujourd’hui. C’est d’ailleurs ainsi qu’on est arrivé à des aberrations comme masser par terre, découvrir un pied, puis l’autre, en évitant soigneusement de voir et de toucher le muscle fessier. Je ne vous parle pas des seins dont la seule vision entraine l’exclusion de tous les concours ou championnats qui fleurissent aux quatre coins du monde.
Autre précision qui risque de vous étonner, l’huile qu’on utilise, c’est de l’huile de vaseline… Essayez un jour de faire un massage complet avec cette huile, et vous verrez le résultat.
La formation terminée, personne n’a abandonné, mais je pense que certains sont contents d’arriver à la fin, alors que moi je suis dans un état déplorable. En effet, il n’est pas question que je m’arrête, car à quelques détails près, ce cours marquera ma vie à jamais.
A la fin de la formation, Margaret ne donne aucun certificat. Chacun doit pratiquer et prendre rendez-vous quand elle reviendra, pour passer le diplôme. Il faut répondre à un long questionnaire, la masser pendant une heure, et faire la démonstration de quelques aspects techniques.
Il est donc évident que je prends aussitôt rendez-vous pour sa prochaine venue, mais je lui demande aussi, d’y adjoindre des cours particuliers pour apprendre toutes les autres techniques qu’elle connait, mais qu’elle n’enseigne pas dans cette formation : Massage à sec, massage sportif, massage de la femme enceinte etc…
Elle accepte volontiers, moyennant un tarif conséquent, que je paie sans rechigner. D’ailleurs, il faut aussi payer pour la masser et passer le diplôme. C’est très américain… Rapporté au coût de la vie actuel, cela me coûterait environ 1500 à 2000€ pour une journée.
Je ne discute pas, car là n’est pas mon problème. Mon problème est de monter le plus haut possible, sans jamais m’arrêter ni me satisfaire, et pour l’instant, je n’ai pas d’autre alternative.
Je prendrai donc plusieurs jours de cours particuliers avec elle, toujours avec plaisir et sans jamais critiquer quoi que ce soit. Même si cela parait prétentieux, je crois que nous avons un énorme respect l’un pour l’autre et le même plaisir à travailler ensemble, ce qui se confirmera quelques années après.
Je vais quand même vous relater comment s’est passé mon examen final qui a eu lieu un an après.
J’ai énormément travaillé, au point de masser plus de 10 heures par jour.
Les musiques qu’affectionnait Margaret reproduisent des sons de cascades, de rivières, de chants d’oiseau ou de mer, joués sur synthétiseur, et les musiques à la mode sont de Vangelis ou s’appellent Golden Voyage. Quand on les écoute toute la journée, elles deviennent vite ennuyeuses. Comme je suis passionné de musique, j’ai déjà commencé à travailler sur de la “vraie” musique, plutôt classique, car je veux associer le rythme du massage au rythme de la musique. Mes musiques préférées sont Albinoni et son Adagio, Pachelbel et son célèbre “Canon” ou encore Ravel et son ”Beau vélo…”.
J’ai donc apporté ma cassette, puisqu’à l’époque on se sert de mini cassettes et non pas de Deezer, et là, Margaret n’apprécie pas du tout mon choix.
– Baisse! Baisse! C’est trop fort et je n’aime pas cette musique. Tu aurais mieux fait de laisser la mienne.
Un peu acharné de nature, je laisse la mienne quand même et je termine le massage. J’ai reproduit, je crois parfaitement, une partie des mouvements qu’elle nous a appris, et visiblement, elle semble étonnée.
– Effectivement, je vois que tu as beaucoup travaillé
– Un peu…
– Et c’est avec plaisir que je te donne ton diplôme.
On enchaine les cours particuliers, plusieurs fois et…
– Merci, bonne journée, à bientôt …je t’adore …moi aussi…
Nos embrassades et “em-bras-ades” terminent chaleureusement, pour l’instant, notre rencontre et c’est la larme à l’œil, presque sans un mot, qu’on se quitte, car pour le coup, sans plaisir.
Le temps passe et je ne m’arrêterai plus de masser en cherchant à faire évoluer ce massage tout en respectant les mouvements originels. Mais j’en crée d’autres, dans le même esprit, et je fais même une trouvaille que j’ai appelée “les demi-tours”, qui, jusqu’à aujourd’hui, n’ont pas d’équivalent.
Je ne veux pas changer de technique, mais améliorer sans cesse sa qualité, comme le fait un pianiste qui peut passer ses journées, sa vie sur un piano, sans avoir le désir ou le besoin de changer d’instrument. Bien au contraire, plus il progresse, plus il perfectionne son jeu.
Je cultive surtout cette possibilité, comme on le fait en danse, de calquer le rythme du massage, à la note près, sur la musique que je diffuse à l’instant du massage.
Je me sers aussi de ma pratique des arts martiaux pour assurer la qualité et l’équilibre de mes déplacements. Je peux utiliser une force peu commune dans certains mouvements, ce qui ne se voit pas de l’extérieur, grâce à un entrainement spécifique que j’ai créé, le DigiQiDo, qui permet d’exécuter chaque mouvement à la perfection, quelle que soit la pression, même si de l’extérieur on peut croire à une caresse.
Il me vient même à l’idée de masser à 2, puis 3, 4 et 5 sur le même corps, toujours avec la même qualité, que ce soit à 2, 4 ou 10 mains. Et pourquoi pas, sur deux personnes allongées sur deux tables dans le prolongement l’une de l’autre, en passant alternativement de l’une à l’autre, sans aucune rupture, dans une grande fluidité.
C’est ainsi que j’en viens à créer et présenter des spectacles de massage car il s’est passé entre temps, quelque chose de très important.
Ma belle-fille ayant choisi de faire une école d’esthétique, la directrice me propose un jour de faire une démonstration de ce massage peu connu, que j’appelais alors Massage Rythmique, pour ses élèves.
Étonnée, et plutôt séduite par cette nouveauté, elle décide de me présenter à M. Pierantoni, fondateur du magazine “Les Nouvelles Esthétiques”, diffusé et traduit dans une quinzaine de pays.
Le rendez-vous est pris, et c’est ma femme qui sert de modèle pour cette première démonstration. Il me propose aussitôt, et insiste, de tourner une vidéo qu’il diffusera lors du prochain congrès mondial d’esthétique à Versailles.
Je monte donc à Paris pour le tournage de cette vidéo. Il a embauché une jeune femme qui sert de modèle pour l’occasion. Je n’ai jamais tourné de vidéo dans ces conditions, et bizarrement, je ne suis pas très enthousiaste. Je veux surtout que ça se passe vite, car faire un aller-retour Lyon-Paris dans la journée, c’est un peu éprouvant, même si j’en ai vu d’autres…
J’arrive donc au bureau des Nouvelles Esthétiques, où je ne connais personne, et après m’être présenté, on m’indique l’immeuble où est prévu le tournage, au troisième étage.
En fait, je suis venu essentiellement par politesse pour la directrice de l’école d’esthétique de ma belle-fille, car pour l’instant, je n’y vois pas grand intérêt.
J’ai juste amené un pantalon de jogging, un tee-shirt, mes chaussons en cuir pour être à l’aise dans mes déplacements, et ma cassette de musique.
J’ai donc choisi des musiques “spéciale relaxation” à ma façon : L’ouverture de Tannhäuser de Wagner, suivie d’un chœur bulgare et d’un Gospel… Rien à voir avec les fameuses musiques de relaxation de l’époque ! Il y a longtemps que je n’en suis plus là.
J’arrive donc au troisième étage. Il est 14H.
– Bonjour
– Bonjour, moi c’est Robert, le cameraman, et voici ma femme, Zoé, qui s’occupe du son. On se tutoie, si ça te va….
Il me présente le modèle et la table de massage et avec l’intention de ne pas s’éterniser, je lui propose de s’installer.
– Si vous voulez bien vous déshabiller, allongez-vous sur le ventre, en tournant la tête du côté opposé, afin qu’on ne vous reconnaisse pas, étant donné que vous serez nue.
– Merci, c’est gentil.
Tandis qu’elle s’installe, je rejoins Robert afin de lui fournir quelques explications sur le déroulement.
– Je vais te montrer quelques mouvements dans le vide, parce que je me déplace beaucoup, et ce sera plus facile pour toi de me suivre.
– T’inquiètes pas, on a toute l’après-midi, donc on pourra recommencer autant de fois que nécessaire.
Il est fou! Faut que je rentre à Lyon, moi, et j’ai encore 5 heures de route pour le retour comme pour l’aller…!
Je fais donc une petite démonstration en 3 minutes et c’est parti.
– Ca va ? Vous êtes prêts ?
Zoé lance la musique et je démarre. Je ferai toute ma démo qui dure 20 minutes, sans m’arrêter une seconde.
Robert est sidéré.
– Mais je n’ai jamais vu ça ! Et pourtant, j’en ai tourné des vidéos !
Je ne comprends pas bien sa réaction, pour moi, c’est normal, mais Mr Pierantoni arrive.
– Bon, alors comment ça s’est passé ?
– Très bien, merci, je viens de finir.
Voyant que le modèle est toujours allongé sur la table, sur le ventre il me lance :
– Et tu as fait le devant ?
– Non, je n’ai pas prévu…
– Tu as 5 minutes pour faire le devant ! Il faut faire le devant.
Comment dire ? Je n’avais pas prévu… mais comme je viens de le dire, je porte tellement peu d’intérêt à cette vidéo, que rien ne m’étonne, et rien ne me choque.
– Mademoiselle, si vous voulez bien vous retourner…
Effectivement, elle se retourne, nue sur la face antérieure, et même de loin et de profil, à une époque où l’épilation intime n’était pas de mode, on ne peut pas avoir de doute.
Je trouve un stratagème en lui faisant plier la jambe du côté face caméra.
Zoé enclenche la musique et c’est parti sur “Rêve d’amour” de Liszt. En 5 minutes, je dois faire tout le devant : une jambe, un bras, un pied, un mouvement sur le torse et un sur le visage, et c’est plié!
Là, je vois la tête de mes deux comparses, un peu éberlués par la performance, car j’ai tout fait à la note près, en terminant pile sur la dernière note.
Le modèle enfile un peignoir, M. Pierantoni lui demande son ressentit. Elle est, forcément, très contente et “très détendue”…
Mr Pierantoni parti, je m’apprête à quitter Robert et Zoé qui semblent scotchés.
– Je n’ai jamais vu ça… En général, il faut au moins une demi-journée de tournage quand ce n’est pas une journée entière.
– Ah bon… Je ne comprends pas vraiment ses propos, à croire qu’il travaille avec des gens qui ne sont pas vraiment pro, lui qui est un vrai professionnel et qui travaille à l’époque pour Canal +.
Nous deviendrons très proches car je tournerai avec eux deux beaucoup de vidéos, et ce sera toujours avec un plaisir réciproque quand nous travaillerons ensemble.
Je retourne saluer les personnes qui m’ont accueilli au bureau des Nouvelles Esthétiques. Il s’est passé exactement 50 minutes entre mon arrivée et mon départ… Imaginez…Elles n’en reviennent pas non plus… et moi j’ai de la route…
Quelques semaines plus tard, me voici donc à mon premier congrès des Nouvelles Esthétiques, qui a lieu à Versailles. Nous sommes en 1988.
La salle est pleine à craquer. A la fin j’ai droit à un tonnerre d’applaudissements et la moitié de la salle est debout.
Les esthéticiennes veulent à tout prix s’inscrire à un stage, on me demande des dates et je suis un peu étonné et surtout débordé.
Je suis surtout surpris par cet engouement, car ce que j’ai présenté ici, me parait bien moyen par rapport à ce que je fais tous les jours. J’avais programmé deux dates de stages et en cinq minutes, c’est plein, les réglementa étant faits sur l’instant tant elles craignent de ne pas avoir de place. A l’époque pas de dossier CPF ou Qu’au-lit-pipi… (Qualiopi…)
A midi, je vais manger avec ma femme dans un petit restaurant, content, mais quand même un peu abasourdi par cet accueil. Nous arrivons au dessert, quand quatre jeunes femmes font irruption dans le restaurant.
– Regardez, il est là ! … Monsieur, s’il vous plait…
– Oui ?
– On a vu votre démonstration et on voudrait s’inscrire au stage, est-ce qu’il reste de la place on vous règle tout de suite… ?
Je suis éberlué…
C’est ainsi que tout a commencé avec les Nouvelles Esthétiques et notre collaboration durera 30 ans, du Brésil à la Chine, en passant par Moscou et de nombreux pays européens. J’y ’rajouterai personnellement le Canada, les USA, la Thaïlande, Bali, soit une trentaine de pays où j’ai présenté ou enseigné ce massage.
Fort de cet accueil et de ce “succès”, je n’aurai de cesse de le faire évoluer par le choix des musiques de plus en plus élaborées, la précision des mouvements, la qualité du toucher, la fluidité des enchainements, ce qui me conduira du Massage Rythmique au Massage Artistique.
J’enseignerai ce massage dans les plus grandes écoles d’esthétiques et des SPA prestigieux, et avec l’approbation des directrices d’écoles ou directeurs d’établissement (sauf une des plus grandes et plus prestigieuses de Paris qui trouvera que c’est trop beau pour ses élèves…), ce massage se fera sur le corps nu, jusque dans les années 2000.
Le temps et les années passent, je suis très occupé et très sollicité, mais tellement passionné que je ne m’arrête pas. Je travaille beaucoup, 7/7 jours, enchainant entre 40 à 50 massages par semaine, auxquels s’ajoute l’enseignement. Il m’arrive de ne pas prendre un jour de congé pendant plusieurs mois. Je n’en tire aucune gloriole, d’autant plus que je serais bien incapable de faire ça aujourd’hui.
J’ai une assistante, Isabelle, que j’ai formée en massage et qui m’accompagne dans tous mes déplacements. Emporté dans ce tourbillon, je n’ai plus de contact avec Margaret, jusqu’au jour où le téléphone sonne et c’est une voix avec un fort accent qui me répond.
– Allo Guy ?
– Oui…
– Bonjour, c’est Margaret. Je voudrais te voir.
– Margaret? Comment vas-tu? Ou es-tu?
– Je suis à Paris jusqu’à la fin de la semaine.
– Ca tombe super bien, je monte après demain pour tourner une vidéo de massage à 4 mains et sur le siège de massage assis que tu dois connaitre.
J’en ai pas pour longtemps et si tu veux, on se voit là-bas, après. Voilà l’adresse. J’ai rendez-vous à 14h, tu dis que tu viens de ma part et tout ira bien.
– OK, à vendredi.
Comme d’habitude, je pars le matin de Lyon, avec Isabelle et à 2 heures moins le quart, je suis prêt.
Tout le monde est là, Margaret est déjà là aussi. Ça tombe bien, j’ai horreur des gens qui sont en retard.
– Salut Robert, salut Zoé.
– Bonjour Margaret, je suis super content de te revoir, mais excuse-moi je fais vite et on se voit après.
– Oui, bien sûr, ne t’occupe pas de moi, fais ce que tu as à faire.
Je me change, et j’enfile un des tee-shirts que j’avais fait imprimer, avec un très beau dessin au pointillé de deux mains, et marqué “Massage Artistique”.
On est au mois de juin, il fait très chaud, et je commence déjà à perler de sueur. (Tous ces détails auront leur importance pour la suite).
Isabelle a fait installer le modèle, Robert et Zoé sont prêts.
– Allez, on s’arrache, on ne répète pas, je n’ai pas beaucoup de temps….
Robert sourit, Zoé met la musique, et c’est parti.
La vidéo dure 47 minutes, nous ne nous sommes arrêtés que pour faire relever le modèle et l’installer sur le siège et le tout nous a pris à peine plus d’une heure.
– C’est bon ? C’est dans la boite Robert ?
– T’inquiète pas, c’est OK pour moi. Mais tu m’épateras toujours !
Margaret ne dit rien, mais je la sens un peu étonnée. Négligemment, j’enlève mon tee-shirt trempé de sueur, et dans une boutade, je lui tends en lui disant :
– Tiens, je t’ai jamais fait de cadeau, en voilà un !
Elle attrape instantanément le tee-shirt qu’elle plie soigneusement, et le pose sur ses genoux.
Je suis gêné, car c’est plutôt une serpillère qu’un tee-shirt.
– Non, non, je plaisante. Si tu en veux, je t’en enverrai avec plaisir, mais là je n’en ai pas d’autre.
Elle insiste pour le garder et déclare fermement :
– Je veux celui-là.
– Bon…
– Robert, excuse-moi, je traine pas, je vais boire un coup avec ma vieille amie que j’adore et que je n’ai pas vue depuis trop longtemps.
Nous sommes installés au café, et je me souviendrai toute ma vie de notre entretien. Je suis en attente, car nous n’avons pas échangé grand-chose jusqu’à maintenant, et je m’interroge sur sa demande et sa venue.
– Alors, comment vas-tu? et que me vaut cette visite?
– Je suis venue te voir spécialement car j’ai quelque chose à te demander : Je veux que ce soit toi qui reprennes et perpétues ce massage en mon nom.
J’ai un temps d’arrêt car je n’ai pas bien compris ce que je viens d’entendre. En fait, je suis interloqué et comme un con (oui, c’est comme ça que je me traite quand je fais une erreur), je lui réponds :
– Je ne comprends pas ce que tu me dis.
– C’est pourtant simple. Je n’ai jamais vu quelqu’un masser comme toi, et tu viens encore de le démontrer, alors je veux que tu reprennes l’enseignement, en mon nom. Je te donne tout, et gratuitement, évidemment.
Toujours comme un con qui ne veut pas comprendre, je lui réponds :
– Écoute Margaret, je t’adore, tu le sais et tu es dans mon cœur depuis 10 ans, et ça n’a pas changé. Je te cite à chaque fois que je fais un stage et je te citerai à vie car je ne te remercierai jamais assez tu as changé ma vie.
J’ai gardé tous tes mouvements, que je trouve géniaux, par contre, j’en ai créé d’autres. J’ai aussi créé le massage à 4 mains, et le massage assis sur ce siège, que pour l’instant, je suis le seul à pratiquer, y compris sur le corps déshabillé.
En plus, tu le sais et tu l’as vu encore là, mon truc, c’est la musique, et je compte bien encore évoluer dans ce domaine. Or, je pense que pour toi, la musique n’est qu’un fond sonore, alors que pour moi, c’est un moteur.
Je sais aussi que tu parles en massant, puisque ton massage devenu “Sensitive Gestalt Massage” s’appuie sur des techniques psychologiques. Or, je ne parle jamais pendant un massage. Je parle avant, ou après, mais jamais pendant, et j’interdis à mes élèves de le faire. Je ne critique pas, et je ne me le permettrais pas, mais c’est une grande différence entre nous.
Et puis, il y a autre chose, contre laquelle je me bats, car ce domaine commence déjà à se dégrader.
Depuis qu’on fait des vidéos, beaucoup de gens pompent çà et là quelques mouvements, et font croire qu’ils ont créé une nouvelle technique. Mais le pire, c’est quand ils prétendent enseigner telle ou telle méthode, et notamment le Massage Californien, qui ne voudra bientôt plus rien dire à force d’être galvaudé.
Alors, je me suis promis que jamais je n’utiliserai le nom ou la renommée de quelqu’un. Je te prie de m’excuser, mais il faut que tu comprennes.
Le regard de Margaret s’est assombri, et elle insiste.
– Ca n’a pas d’importance, ce que tu fais est vraiment une évolution et tu dois continuer mon enseignement. Tu peux y ajouter ton nom, je suis entièrement d’accord, et ce sera même un plaisir pour moi.
Toujours aussi con, et vous saurez pourquoi bientôt…
– Je suis désolé, Margaret, mais je ne veux pas accepter.
Nous ne nous quittons pas fâchés, mais c’est avec amertume qu’elle me dit au revoir, en m’embrassant tout de même, un peu tendue.
Je rentre à Lyon avec Isabelle qui n’est pas intervenue dans cet échange. Je suis mi-figue, mi-raisin, parce que j’ai bien senti la déception de Margaret et aujourd’hui je regrette souvent cette décision.
Rétrospectivement, j’ai compris un autre aspect de sa demande, en raison de circonstances dont je ne parlerai pas, car je ne veux pas m’immiscer dans des affaires personnelles. Les informations que j’ai pu avoir ultérieurement, émaillées de commérages, ne me concernent pas. A chacun ses responsabilités, et j’assume les miennes.
Quelques années plus tard, 5 ans environ, c’est en rentrant d’un stage en Suisse, à 1h du matin, que j’écoute mon répondeur.
– Bonjour Mr Dumont, Je suis Mme X et il faudrait que vous me rappeliez rapidement à ce numéro, c’est au sujet de Margaret Elke.
Après quelques heures de sommeil, je m’empresse de rappeler.
– Bonjour, je suis Guy Dumont, vous m’avez appelé hier soir au sujet de Margaret.
– Voilà, je suis la personne qui l’a reçue pour son dernier stage en France, et j’ai une mauvaise nouvelle.
– Oui ?
– Margaret est décédée et elle m’avait fait promettre de vous appeler quand tout serait fini.
– Je suis tellement ému, je ne sais pas quoi dire…
– Moi, j’ai encore quelque chose à vous dire… Pendant ce stage de 6 jours, son dernier, il ne s’est pas passé un jour sans qu’elle parle de vous, et surtout, je crois que ça vous parlera, elle a porté uniquement votre tee-shirt marqué Massage Artistique pendant tout ce stage.
– Mais qu’est ce qui s’est passé?
– Elle a eu un cancer, suivi d’une période de rémission, puis elle a rechuté, et ça a été fatal. Mais je sais qu’elle ne vous en a jamais parlé. Elle a choisi le jour de sa mort et…
Un long silence… les larmes coulent… je comptes enfin…
– Je vous suis extrêmement reconnaissant de m’avoir appelé ; c’est quelqu’un qui a vraiment marqué ma vie, et que j’adorais. Je vous remercie encore une fois du fond du cœur.
– Merci, et bon courage.
Je suis triste et j’ai un peu honte, mais il est trop tard.
Comme l’a écrit Pierre Delanoë dans une chanson que je ne connaissais pas à l’époque, mais qui prend tout son sens :
“Aimons-nous vivants
N’attendons pas que la mort nous trouve du talent.”
Par contre, je n’ai jamais cessé de lui rendre hommage, ni avant, ni après, et je continuerai tant que je serai vivant.
En fait, j’ai surtout honte pour ceux qui l’ont bafouée en déformant sa technique, au point d’en faire quelque chose de banal et tellement galvaudé qu’elle a perdu tout son sens. Pourtant, ils ne savent même pas de quoi ils parlent et ne lui arrivent même pas à la cheville.
Je vous l’ai dit, j’ai un peu voyagé, et il est vrai qu’à chaque fois, j’ai ramené du parfum pour ma douce, et des cigarettes pour moi puisque j’étais à l’époque, un grand fumeur. Ce n’est qu’une image, mais à chaque fois que j’ai acheté du 5 de Chanel, j’ai toujours eu confiance, car je sais que même avec un prix détaxé et une remise de 30%, on ne m’aurait jamais fourgué du 4,5 ou du 4,25. Et je n’aurais pas davantage accepté qu’on me vende du 5,5 ou du 6.
Il en est de même en musique. Si chaque interprétation reste libre, ce qui est normal, le concerto n°21 de Mozart, se joue à la note près dans toutes les salles de concert. Et un tableau de maître reste inimitable, sinon, c’est un faux.
Alors, petites gens qui ne connaissez même pas l’origine de ce que vous prétendez enseigner, et qui n’avez aucun outil ni moyen pour reproduire correctement cette technique, je vous laisse choisir le qualificatif qui convient : Vous êtes des ignorants, des fainéants, des incapables ou des escrocs.
Ces mots ne sont pas des insultes, ils ont tous une définition dans le dictionnaire, et il y en a au moins une qui vous caractérise. Si vous pensez faire mieux, ayez le courage et l’honnêteté d’y donner votre nom, comme je l’ai fait, quitte à en pâtir, mais surtout ne profitez pas du nom et de la notoriété de quelqu’un d’autre, sinon vous ne méritez que le mépris.
Merci Margaret,
“Je t’aimais, je t’aime et je t’aimerai”
car ”quand j’ aime une fois, j’aime pour toujours”.
Un commentaire pour “L’origine et l’histoire du Vrai Massage Californien en France”